Les quatre vies de la belle Pauline
Destin original que celui de la Pauline: lancé le 4 juillet 1901 par un chantier de Kerity-Paimpol, ce petit lougre ponté de Dahouèt de 5tx (long de 8,60 m pour une largeur de 3,60 m) fera le pilotage, le chalutage ou le cabotage, tantôt chez les « Brettes », tantôt chez les « Gallos », avant de disparaître…
Chez les Pouchots de Dahouèt
En 1899, a 33 ans, Hippolyte Guinard devient le septième pilote-lamaneur de Dahouèt, succédant a son oncle dont il reprend le lougre Saint-Sébastien.

Deux ans plus tard, il fait construire la Pauline (SB 737), sur lequel il naviguera, avec un matelot, jusqu’en 1910. Mais le métier de pilote est peu rémunérateur – les tarifs n’ont pas changé depuis 1857 ! – et » Polyte » doit, comme ses prédécesseurs, compléter ses revenus en pratiquant le chalutage en zones réservées. Hippolyte Guinard acquiert un bateau a moteur en 1910, et revend alors son lougre. Si la mémoire populaire n’a pas tout à fait oublié cette période – quelques anciens racontent encore des histoires du vieux Dahouèt qui n’intéressaient pas le beau monde de la proche station touristique du Val-André . Il ne restait plus de témoins directs du » Batiau à Polyte » quand les enquêtes sur l’histoire du lougre ont été menées.
Chez les Gris d’Erquy
Les frères Pellois ramènent la Pauline à Erquy en 1910. C’est alors, se souvient Monsieur Le Rudulier, marin long-courrier, » une des plus petites et des plus fines bisquines du port « .

Les photos de l’époque montrent qu’on lui a laissé son gréement et son gui de flambart; elle est seulement te-peinte avec un liston plus étroit Elle tient compagnie a un autre flambart construit en 1910, la Sarcelle (SB 32) à Pierre Névot. Les Pellois semblent avoir essayé de pratiquer le bornage en été et la petite pèche en hiver Jean, le « matelot patron », se trouve très vite avec un équipage réduit (six bommes la première année, dont un capitaine au cabotage, deux la deuxième). Il essaye alors de faire inscrire sa femme sur le rôle, mais elle est refusée, « ne pouvant être embarquée comme matelot ». La Pauline disparaît des rôles en 1914 pour n’y réapparaître qui sa vente, en 1917.
Chez les Brettes de Pleubian

Vendu le 6 septembre 1916 à Eugène Lamandé, de Larmor-Pleubian, le lougre est ré immatriculé au quartier de Tréguier sous le numéro 693. Les rapports des gens de Dahouèt avec les bretonnants de la côte d’Olva étaient très bons, surtout avec les Pleubiannais, qui fréquentaient beaucoup leur port. Ils venaient charger bien sûr des patates, mais emportaient aussi des pommes « et souvent des cuites ! » Nombre de bateaux Dahouëtins ont fini leur carrière a Larmor (Louis-Marie, Frère et Sœur, Audacieux) et bien des équipages ou des capitaines y étaient recrutés.
Du 9 février 1910 au 22 mai 1914, Eugène Lamandé prend un rôle au bornage dans une zone allant de Saint-Malo à Roscoff mais il tombe bientôt malade et meurt en 1918. Le 25 novembre 1919, son successeur, Joseph Le Tallec, fait de la Pauline un goémonier. Comme a l’habitude dans cette région, le lougre est regréé en bocq à corne. Monsieur Croajou, de Pleubian, se souvient avoir navigué sur le bateau de son cousin Job : fin, élégant, il manœuvrait bien.
Mais la Pauline ayant trop de tirant d’eau pour les passes de Larmor, elle a du mal à rejoindre l’usine par grande marée. Aussi décider-on d’enlever et scier les galbords et de rectifier les varangues pour remonter la quille. On agrandit également le panneau de cale pour charger le goémon. « On évitait une gîte trop forte à l’échouage de ce bateau profond, précise Monsieur Croajou, en l’équipant d’un pilhost »‘. Ce billot de bois, retenu par une chaîne en bas sous la quille et par un bout sur le plat-bord, portait sur le flour (bouchain) ou les flourennou (bordés d’échouage). En 1923, l’usine de traitement de Penlann à Larmor achète une demi-douzaine de bocqs, dont la Pauline. Celle-ci fait le goémon jusqu’en 1930 environ. Elle est mise au plain en 1931, lors de la cessation d’activité de la société due à la concurrence de l’iode et des nitrates du Chili.
Selon Monsieur Kerleau de Lanmodez, des goémoniers de la Rivière (le Trieux) l’ont ensuite récupérée. Elle aurait fait naufrage à pleine charge près de l’ile Maudez vers 1933 en talonnant une roche. C’en est fini des trois carrières de la chaloupe de Dahouët…
Mais son sosie la ressuscitera pour une quatrième vie soixante ans plus tard, renouvelant encore le type d’activité pratiqué par le voilier !
La Pauline actuelle
Pauline est remarquable par son gréement impressionnant par rapport à sa longueur. Avec le bout-dehors et le gui, la longueur hors-tout est presque égale au double de la longueur de la coque !
longueur de la coque : 9,48 m
longueur à la flottaison : 8,80 m
longueur hors tout : 16,30 m
maître beau (largeur) : 3,45 m
tirant d’eau : 1,80 m
déplacement : 12T
type de gréement : lougre flambard
surface totale des 4 voiles : 95 m2 (foc, misaine, grand voile, hunier)
construction : 1991 par le chantier d’Yvon Clochet à Plouguiel (coque en chêne, pont en pin)
Plans : François Vivier architecte naval à Saint-Nazaire https://www.vivierboats.com/la-pauline-dahouet/